Wilney Taris

Haïti: Quand 2003 se répète en 2012.

Vue partielle d’une de la ville du cap-haïtien suite au inondation(le nouvelliste)

La ville du Cap-Haïtien (située au nord d’Haïti) pleure. Ce front froid annoncé par les responsables de la météorologie n’a pas vraiment donné froid dans le dos à la population capoise. En effet, tout le monde s’est mis au lit tranquillement ce 8 novembre, pour réveiller avec une surprise macabre. La ville est inondée ! Plus d’une vingtaine de mort et plusieurs milliers de sans-abris.

Encore une fois la faute est à la dégradation de l’environnement. Pauvre environnement ! Comme s’il pouvait prendre les mesures pour s’empêcher de se dégrader. En fait, il ne peut rien dire pour se défendre, sinon j’imagine les questions qu’il poserait à ces beaux parleurs. Qu’avez-vous fait pour prévenir les dégâts ? Peut-être ces dignitaires vont prendre les Etats unis en exemple maintenant pour se faire bonne conscience. Car, dans les coulisses je commence déjà à entendre cette chanson que: « même les Etats unis n’ont pas pu épargner les dégâts de Sandy».

La deuxième ville d’Haïti n’est pas à sa première inondation. En novembre 2000, les malheureux de la ville se sont réveillés sous les eaux en regardant un enfant, un voisin ou un camarade qui nage au-dessus des eaux mortelles.  Dans la nuit du 21 au 22 décembre 2003, le constat n’était pas différent. Des milliers de personnes sont affectées. Ce 8 novembre vient  d’allonger la liste des soirées lugubres des gens de la ville appelée dans le temps « paris de Saint Domingue ».

Les capois se réveillent d’une nuit noire à un moment le pays à un gouvernement qui s’identifie par le rose et qui ne voit que tout en rose. Très rose ! « Haïti is open for business » (Haïti est ouverte aux affaires)

Une étude réalisée par le ministère de l’environnement en 2003 a révélé que la cité christophienne était « sujette aux inondations ». Félicitation quand même à cette équipe ! Elle n’a pas fait que mettre des plantules en terre tous les 1er mai de chaque année mais elle laisse un document.

Malgré les prévisions de cette étude, Aujourd’hui en 2012, toujours les mêmes causes : Les gens construisent n’importe où, il n’y pas de canalisations, la ville n’est pas drainée. Toujours les mêmes préoccupations: aucunes dispositions de secours, pas d’instance pour gérer les dons. Or, on n’en est pas à notre première expérience.

Nos hommes politiques, comme à l’accoutumer, envahissent toutes les stations de radio qui relayent l’information. Ils dénoncent. Ils proposent. Dans l’intervalle, ils attendent l’appel à une levée de fond pour manifester leur intérêt et montrer leur attachement au peuple avec les pitances qu’ils offrent.

Parallèlement, les familles continuent de pleurer leurs disparus et leurs morts, rien ne sera fait pour empêcher que la prochaine inondation ne fasse autant de dégâts. Les études resteront dans les tiroirs en attendant peut-être une autre pour célébrer la journée mondiale de l’environnement. Sauf ce dernier (l’environnement) qui dirait aux gens : Arrêter de me dégrader ! A la fin ce sera vous mes victimes ! Hélas ! Il n’a pas cette faculté malheureusement.


Bouclez-la! Attendez votre tour

Une file d’attente a Petion-ville

La raison du plus fort est toujours la meilleure, disait La Fontaine. Mais, quand les plus faibles s’acharnent contre leurs pairs à céder leur raison aux plus forts, on se demande si ces agneaux, nos sœurs et frères haïtiens, sont vraiment conscients d’être déjà la salive à la gueule du loup. Ne me demandez pas si la salive va se transformer en crachat. Car, tout le monde le sait, monsieur le loup est un affamé qui n’a d’oreilles que pour entendre la supplication de l’agneau avant de l’avaler.

Une fois, je faisais la queue à une de nos banques commerciales qui se payent des publicités partout pour vanter la qualité de ses services. Un service qui, par moment, vous contraint de faire une première queue à l’extérieur de la banque, des fois sous un soleil de plomb, avant d’y pénétrer. Voyant un siège vide au service dite de la clientèle, je signale à mon successeur bien mis dans sa chemise noire, que je vais m’asseoir en attendant mon tour.

Entretemps les activités continuent à la banque. Des bips résonnent à chaque instant pour appeler le prochain client. En fait, je suis allé m’asseoir pour être plus ou moins confortable, mais en réalité je me donne plus de peine. Car, à chaque bip je dois tourner ma tête pour voir si les gens qui me précèdent ne sont pas sur le point d’arriver à la caisse, sinon je risque de refaire la queue si le témoin à la chemise noire passe avant moi.

Un homme vient et va directement sur la caisse, sur le champ il est servi. Dans l’intervalle, l’attention de tous les clients est captée par un téléviseur géant qui rediffuse un match de football. Je me demande souvent pourquoi un téléviseur à la banque ? Mais les responsables de la banque, eux ils savent pourquoi. Et de fait, La banque a bien atteint son objectif à travers cette initiative. Presque tout le monde est perdu dans ce Real-Barca, sans tenir compte du déroulement du service.

« Qui sommes-nous les gens qui font la queue ? Ca fait déjà 3 heures je suis là, et des gens arrivent à peine vous les servez sans se soucier de nous qui poirotons depuis un siècle ici » crie un homme pour exprimer son désaccord.

« Arrête ! A la place d’eux tu ferais la même chose. Moi, si je travaille quelque part, mes proches devraient avoir la priorité. Donc, vous devez faire en sorte d’avoir une connaissance pour qu’on vous évite de faire la queue aussi. » Réplique un autre client.

J’imagine la fête qu’auraient faite les autorités si Haïti était composée seulement des gens du genre de ce dernier client.

Quand arrive mon tour, je me lève gentiment pour aller me placer devant l’homme à la chemise noire. Des gens à l’arrière se mettent à crier. Mes deux successeurs prennent ma défense : « il était là, il nous a prévenus qu’il allait s’asseoir en attendant son tour ». Malgré cette justification, ils s’acharnent contre moi.

« Qu’est-ce qui vous empêche de rester debout aussi jeune que vous êtes, vous êtes homo ?»,  me lance un quadragénaire. Finalement ils laissent la banque pour s’en prendre à moi qui, malheureusement, se trouve dans la même situation qu’eux.


Haïti : aucun contrôle sur la vente des médicaments

Depuis des années en Haïti, les autobus de transport en commun se sont transformés en de véritables pharmacies ambulantes. A chaque autobus, un marchand ou une marchande prend place. Comme des enfants formés à la même école, ils ont tous une manière très spéciale pour s’introduire auprès des passagers. La prédication de l’évangile.

L’évangile ! On en a beaucoup servi ici. Même les soupirants, pour gagner le cœur de leur dulcinée en fait l’usage. Je me souviens une fois, avoir accompagné un ami chez sa copine qui le croyait  vrai protestant. Notre visite coïncidait avec une bonne nouvelle qui vient d’être annoncé pour la famille. Je ne vais pas vous en parler maintenant, ça fera l’objet d’un autre billet. Une nouvelle que le père de la jeune fille a choisi de célébrer par une courte prière. J’étais surpris de voir soudain que mon ami a atteint d’une migraine. Ce n’est qu’après, sur le chemin de retour, qu’il plaisantait en disant que la prière est devenue source de mal. Il m’explique qu’il a feint cette douleur parce qu’il ne connaissait pas les cantiques, alors que sa copine lui présente comme un fervent chrétien. Je ris à gorge déployé au beau milieu de la rue. En guise de réponse je lui disais qu’il a une prière en conserve pour la prochaine vraie migraine. Revenons à notre autobus.

Après avoir prêché durant 2 minutes environs, certains passagers lui criait un « amen ».

L’homme se présente « je suis Frère Joseph, moniteur de l’école dominicale et représentant du laboratoire …» J’ai prêté toute mon attention  afin de retenir le nom du laboratoire, mais le sigle a tellement de lettre que je ne pouvais le capter en une seule présentation et je crains que sa définition ne donne pas un paragraphe.

Il enchaine pour préciser aux passagers que ce qu’il va les présenter « n’est pas un sirop mais plutôt un médicament ». L’idée me vient de lui demander c’est quoi un sirop ? Mais de peur que mes co-voyageurs ne me traitent pas envoyé du diable, je me tais. Celui qui se présente comme le seul représentant de ce laboratoire dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, commence à citer une infinité d’ingrédients (en majeur partie des « bois ») qui entrent dans la composition de son médicament liquide qui n’est pas un sirop.  En Haïti, parler de bois dans la composition d’un produit vous donne l’opportunité de l’écouler très rapidement, à moins qu’il n’y ait que des femmes à vous écouter. Même dans ce cas, on peut toujours garder espoir d’en écouler un peu. Car, les hommes sont très sensibles pour leur virilité et on raconte souvent le bienfait de ces « bois ».

Une femme le questionne. « Monsieur, mon fils a 4 ans, il peut en prendre » ? Il répond oui sans donner trop d’explication. Ainsi, il commence à faire passer quelques bouteilles. Il questionne. Il n’y a pas d’autres personnes qui veulent rentrer chez eux avec une bouteille ? Tant pis, lance-t-il. D‘ailleurs, si vous allez à une pharmacie elle vous coutera très chère.

Il explique que ce médicament a apporté la guérison à une femme qui a presque fait le tour de la planète pour un fibrome. Qu’un homme a remué ciel et terre pour lui apporter un cadeau en récompense du bienfait de son médicament. Définitivement, je lève ma tête pour chercher une maladie qui n’est pas traitée par ce liquide.

Etrangement, monsieur soutient qu’il y a une catégorie de personnes qui ne peuvent pas en prendre. Je respire pour bien écouter. Et il met en garde les femmes enceintes.  « Si quelqu’un a acheté ce médicament pour une femme enceinte, remettez-le-moi et je vous rembourserai. Sinon il sera fatal pour l’enfant qu’elle porte ». « Comment » ? L’interroge une femme. « Il la fera avorter sur le champs » répond-il à la femme.

« C’est une stratégie d’écouler ses produits » me murmure une femme assise à mes cotes. J’ai failli avaler ma langue quand la femme m’expliquait qu’en réalité l’homme voudrait inciter les jeunes filles à s’en emparer. « Il sait que l’état est contre l’avortement, alors il le dit d’une façon voilé »

Perdu dans la conversation, subitement je crie « merci ». J’ai devancé ma maison de quelques mètres. Au passage, quelqu’un m’interpelle en disant « tu n’en prends pas un ? On ne sait jamais tu peux en avoir besoin pour ta petite amie »