Le transport en commun à Port-au-Prince, un exercice peu agréable

Article : Le transport en commun à Port-au-Prince, un exercice peu agréable
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9 février 2013

Le transport en commun à Port-au-Prince, un exercice peu agréable

Autobus assurant le trajet Carrefour feuille-centre ville
Autobus assurant le trajet Carrefour feuille – Centre ville

Le transport en commun est le moyen de transport le plus utilisé en Haïti. Ecoliers, étudiants, ouvriers et fonctionnaires l’utilisent tous les jours pour se rendre à leur activité respective. Mais, en regardant les relations entre les passagers eux mêmes et les chauffeurs au quotidien, on se demande s’ils voyagent vraiment en commun ou comme un ?

Une véritable gaguère

Aux heures de pointe, il vaut mieux ne pas s’aventurer à prendre le transport en commun dans le centre ville de Port-au-Prince. Car, monter à bord d’un taptap* ici à Port-au-Prince est un véritable exercice de carnaval où tout le monde se bouscule afin de prendre un siège. Oui ! J’ai bien dit carnaval.

Généralement à la veille de cette manifestation populaire, les propriétaires des gyms font toujours bonne recette, si l’on tient compte de la préparation que font les hommes pour se rendre sur le tatami du site où se déroule le carnaval. Différemment de mon ami Osman Bco185, Ces derniers ne sont pas des apprentis, ils travaillent bien leur musculature.

Bien souvent, je suis inquiet pour certains d’entre eux, parce qu’en regardant la largeur de leurs biceps sur leurs deux pieds de roseau, je me demande s’ils ne se plient pas des fois.

Dans ce tohubohu, l’éducation civique s’évapore. On oublie qu’on doit porter main forte aux enfants et aux personnes âgées. J’ai vu une vieille dame qui a failli se transformer en escalier pour les autres passagers plus costaux, en tentant de récupérer son chapeau tombé par terre. Bien qu’il arrive des fois, que les jeunes soient tombés sur des septuagénaires qui portent encore le pantalon qu’il portait à 30ans.

Des injures au milieu des décibels

Si vous n’êtes pas habitués au carnaval où la guerre des décibels fait rage, vous pouvez vous fier aux taptaps assurant le circuit de carrefour feuille (périphérie Est de Port-au-Prince) pour vous faire une idée. Bien que, ceux du circuit de poste Marchand (centre ville de Port-au-Prince) marchent à très grande enjambées pour les rivaliser. Ces derniers sont réputés pour être de vrais discos ambulants, ils tournent des musiques de toute sorte en boucle sans tenir compte de la volonté des passagers.

Pour les oreilles chastes qui veulent lier connaissance avec les chansons grivoises que certaines stations radio ne diffusent pas, ils peuvent se mettre à bord de ces taptaps et le tour est joué. Il n’y a pas de limite, même les chansons censurées sont coulées à flot.

Et quand le chauffeur se met de la partie pour faire sa recette, il faut que vous soyez sage.  S’il exige de vous faire payer plus que le montant fixé par l’Etat, hâtez vous de le faire. Sinon, il va vous faire une bonne dose d’injures avant de demander à tout le monde de descendre de sa voiture.

Et si vous êtes sensible aux injures qu’on formule sur votre mère, soyez prudent ! En effet, sans rayon X ces chauffeurs doublés d’un disc jockey peuvent vous faire la radiographie de celle qui vous a mis au monde.

Débrouillez vous pour avoir votre voiture privée

Dans ces taptaps, pour être sûr de faire un voyage sans la moindre injure, il faut tout accepter. Payer le chauffeur selon ses caprices, accepter que quelqu’un vous piétine et le féliciter. Le plus gros péché à ne pas commettre, c’est celui de demander à une personne de faire attention à ne pas salir votre chemise. Elle vous répondra automatiquement : « Quand vous avez des chemises comme ça, tachez d’avoir votre propre voiture ». Ensuite d’une façon ironique, elle vous rappelle que le 12 janvier 2010, elle a connu quelqu’un qui en a eu des milliers disparues sous les décombres.

A malin, malin et demie dit-on. Il y a la saison hivernale où une bonne partie la clientèle, je voudrais parler des écoliers et des étudiants, se chôme. En conséquence, les chauffeurs sont devenus sages. Hélas ! Mes compatriotes peuvent tout oublier, sauf le si vous leur avez fait du mal.

*Taptap: Camionette

 

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Commentaires

Osman Jérôme
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A défaut d’en pleurer avec de grosses larmes, on en rit à gorge déployée. J’aime tellement l’humour décapant dont tu fais usage dans ce récit. Cependant, je dois te rappeler que ce scenario ne concerne pas seulement la capitale haïtienne, mais une bonne partie du pays ou le transport en commun est un véritable calvaire, comme je me rappelle l’avoir écrit dans un billet. Superbe réflexion frangin.

Souleymane Arama
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Bien