“Alo lapolis” le tribunal télévisé au milieu d’un système judicaire invisible.

Article : “Alo lapolis” le tribunal télévisé au milieu d’un système judicaire invisible.
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21 mars 2013

“Alo lapolis” le tribunal télévisé au milieu d’un système judicaire invisible.

 

La justice est une pour tous Creit photo Google
La justice est une pour tous Creit photo Google

 

La Police Haïtienne est l’auxiliaire de la justice. L’une de ses missions est de faire exécuter les ordres de la justice. Mais souvent entre ces deux entités, Haïti se transforme en une véritable table de ping pong, où elles se renvoient la balle de l’accusation, en utilisant une raquette sûre : la presse.

Ping ! Un premier service de la police qui crie au scandale. Elle dénonce la justice haïtienne d’avoir en son sein trop de juges corrompus. Ces derniers libèrent des bandits et des criminels, arrêtés préalablement par la police, contre de forte somme d’argent.

Pong ! La justice réplique en dénonçant des dossiers mal montés par la Police. Ce qui explique la libération de ces personnes, en soutenant la thèse que toute vice de forme profite à l’accusé.

A malin, malin et demie ! Les autorités policières contre attaque avec une tv show comme palliatif à ce problème, « Alo lapolis ». A travers cette émission de télévision, la Police Nationale d’Haïti (PNH) présente toutes les personnes arrêtées lors de ses opérations. La présomption d’innocence n’existe pas dans le dictionnaire de la PNH. Une fois arrêté, ces personnes sont déjà condamnées devant les cameras de télévision. Flagrant délit allez vous en ! D’ailleurs, dans cette émission préenregistrée, on les présente tous comme des ravisseurs, des violeurs, des assassins et des hors la loi.

« Anba kòd » (sous les verrous) est le refrain que reprend à tue tête la voix off en citant les noms des différentes personnes arrêtées. Une façon de dire que la personne n’est plus en liberté. J’admets des fois la police fait de gros coup à travers ses opérations en arrêtant des criminels notoires.

Je me souviens avoir regardé « i come i care », un film qui raconte l’assassinat d’un président américain. Les criminels se sont arrangés pour éliminer tous les témoins du crime. Si l’autre déclare même le mal il le fait bien, moi je dis souvent qu’un mal n’est jamais bien fait. Pour preuve, ils ont omis un des onze témoins. La justice a repéré ce dernier témoin et l’a contraint de laisser son pays, après avoir tiré de son abdomen toutes les informations souhaitées. Le pauvre demande au procureur qu’est que j’ai fait qui mérite tout ca ? Le procureur de lui répondre : tu as tout simplement vu quelque chose que tu n’aurais pas du voir.

Comme dans ce film, en Haïti, il faut faire attention de n’ « être pas au mauvais endroit au mauvais moment ». Car lorsque la Police intervient dans une zone pour rétablir la paix, demande au hasard de ne pas vous laisser dans les parages. Sinon ça pourrait être fatal. Faute de grive on mange des merles, hein ! Un ami me racontais avoir vu une bonne sœur bien vêtue, revenant de l’église, en train de dégager la chaussée des carcasses de véhicules que d’autres ont mis en feu. Je dis « bénit soit l’Eternel » pour cette servante de Dieu, elle n’a pas été filmée comme principale instigatrice du mouvement.

De criminel en expert

Il y a de ses « Alo lapolis » qui ne peuvent pas vous laisser de marbre. Comme celui où « aji mal » (agir mal), retenez votre souffle, s’est fait amené par des agents de la Police pour faire l’autopsie d’un revenant. Comme d’habitude, en Haïti il n’a jamais eu de mort naturel, quand ce n’est pas le voisin d’à coté qui a mangé un enfant, c’est un ambitieux qui mange son compagnon de travaille pour une portion de terre. Ce jour là, les agents de la police sont arrivés sur les lieux suite aux informations selon lesquelles un homme donné pour mort à la morgue s’est ressuscité parce que sa mort n’était pas « un bon mort ». Quelqu’un a tenté de le manger mais sa viande est amère.

https://www.youtube.com/watch?v=zbFZQDgsdLc

 

Et il n’y a pas meilleur expert pouvant expliquer ce cas, qui n’est pas inédit en Haïti: « aji mal ». Ce dernier a trainé un nombre colossale de crime après lui, selon ses dire. Donc il peut donner les bonnes explications de cet homme « zombi » à la fois vivant et mort légalement. En effet, il possède son acte de naissance ainsi que son acte de décès. Je ne sais pas si je me trompe, mais à date nous sommes le seul pays au monde à faire cet exploit. Avoir des personnes avec deux statuts pareils.

Ce « aji mal » est un homme qui aurait du être derrière les barreaux pour meurtre, voila qu’il se retrouve dans les rangs de la Police comme expert en « malfektè » (malfaiteur). On aura tout vu sous le ciel bleu d’Haïti. « On a tenté un traitement pour cet homme en le faisant passer par la mort mais celui qui a monté le coup est un crétin » déclare t-il. Face au doute de l’un des policiers, il corrobore en faisant allusion à son passé de criminel.

Pour mettre les policiers en confiance, il affirme et je cite : « mwen fè plizyè ane map mete gason atè ». (J’ai passé des années à tuer des gens). Si quelqu’un connait un autre pays sur cette planète où quelqu’un peut faire une pareille déclaration en face de la police sans, illico, se faire arrêté, dites le moi je vous prie. Il doit être fier de son boulot. Qui d’ailleurs n’aurait pas ce sentiment à sa place ?

Aujourd’hui, suite à ses actions macabres cet homme déambule en toute quiétude les rues d’Haïti sans aucune gêne. Il n’est pas « anba kòd ». Qui plus est expert pour la police. Pendant que d’autres sont en train de croupir derrière les barreaux pour le seul et unique crime d’avoir bagarré au carnaval. Le compte twitter @Ameliebaron, correspondante de RFI, peut en témoigné. Elle a rencontré par hasard à sa sortie du parquet de Port-au-Prince dans le cadre du procès de Jean Claude Duvalier un jeune homme qui a passe 14 mois en prison pour s’être battu lors des exercices pré carnavalesque. Qui sait combien de jour lui restera t il dans cette prison en attendant qu’un juge statue sur son sort.

Une triste réalité : un bagarreur emprisonné et un assassin en liberté. La vraie balance de la justice Haïtienne.

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